Bernard-Henri Lévy se croit-il autorisé à insulter les opposants au projet gouvernemental de « mariage gay » ?
Je croyais Bernard-Henri Lévy un homme de lettres engagé dans l’action donnant un sens à la condition humaine. Dans son bloc-notes du Point du 10 janvier 2013 (« Les Mariés de l’an 13 » à propos du mariage gay), je découvre sa connivence avec la bien-pensance de la soi-disant élite intellectuelle parisienne. Tout y est, de l’oblitération des véritables enjeux de droit à l’injure utilisée en lieu et place de l’argument, en passant par le procès à sens unique des opposants à la thèse de l’élite précitée.
Bernard-Henri Lévy dénonce avec fougue « ce qu’on ne peut laisser passer ».
1. S’il reconnaît aux religions le droit de s’exprimer, il conteste le fait que la seule parole du grand rabbin de France ou du cardinal-archevêque de Paris soit au-dessus des autres, et soit le mot clôturant toute discussion. Il oublie de viser les porteurs de l’opinion adverse, la coordination LGBT, dont nul ne cache qu’elle est la seule organisation avec laquelle le gouvernement ait établi un dialogue permanent sur le mariage gay. Je ne vois pas en quoi l’effort qu’ont fait les religions révélées pour faire porter leur point de vue par une voix commune et autorisée serait moins louable que celui de la coordination LGBT pour faire de même. Le problème est que le mot final de LGBT, le mariage sans différenciation des sexes, est devenu le mot final du projet de loi gouvernemental. Ni le débat public, ni le processus parlementaire ne s'ouvrent à la recherche d’une solution répondant avec respect à ce qu’il y a de juste dans les opinions antagonistes (Ainsi un amendement proposant une « alliance civile » a été repoussé en commission des lois). La rigidité du gouvernement et du parti au pouvoir empêche l’éradication de la part purement idéologique des opinions en présence. C’est cette posture du gouvernement et de la majorité parlementaire qui constitue l’atteinte à la laïcité, non pas l’exposé des arguments respectifs par des porte-parole dont la représentativité n’est pas contestée.
2. Bernard-Henri Lévy conteste les arguments issus de la « science freudienne » sur les mérites comparés ou supposés tels de l’éducation d’enfants par des couples homosexuels par rapport à « un orphelinat sordide ». On le rejoint bien volontiers sur le fait qu’il n’y a plus de présomptions que d’arguments sur ce terrain. Ce qui est scientifique, en revanche, c’est que toute personne humaine est biologiquement issue d’un homme et d’une femme. Ce qu’on ne peut laisser passer, c’est que cette vérité de science soit ignorée du droit. Bernard-Henri Lévy n’a-t-il donc pas vu cet enjeu ?
3. Oui, les modèles de famille ont beaucoup évolué. Oui, il s’agit de transcrire dans le droit des situations qui existent dans les faits et qui, parce qu’aucun texte n’en traite explicitement, peuvent mettre certains enfants et leurs éducateurs dans une insécurité juridique préjudiciable au bien commun. Le point clé est de trouver des désignations nouvelles et dignes, en continuité avec la tradition et établissant l'égalité des droits, mais permettant de discerner entre des faits objectivement distincts. Bernard-Henri Lévy aime bien appeler un chat un chat, et parle de mariage gay plutôt que de mariage pour tous. Instinctivement il le distingue du mariage ordinaire. Alors que dit-il de l’initiative parlementaire visant à définir une « alliance civile » ?
J’en viens à ce que ma misérable petite personne entend ne pas laisser passer. Les mensonges par oubli ou par omission que l’on vient de détecter limitent la pertinence de l’article. Mais l’insinuation tautologique qui suit rend méprisable, voire haïssable son auteur. Je lis en effet : « La vérité est que les adversaires de la loi ont de plus en plus de mal à dissimuler le fond d’homophobie qui gouverne leur discours. » En premier lieu, et afin qu’on ne se méprenne pas sur le sens du mot « homophobe », je revendique pour moi-même et pour tous le droit de penser et dire que, pour engendrer, la sexualité entre personnes du même sexe est moins efficace qu’entre personnes de sexes opposés. Si l’expression de cette opinion constitue un délit d’homophobie, alors il faut se résoudre soit à être soit homophobe, soit à raisonner faux. Et je préfère continuer de raisonner juste.
Si en revanche Bernard-Henri Lévy accorde un sens plus restrictif à l’homophobie, alors sa phrase est une injure à l’égard des nombreuses communautés opposées au projet de loi. Pour ne parler que des trente-six organisations contributrices de « la manif pour tous », on notera la présence de « Plus Gay sans mariage », « Homovox.com », peu susceptibles d’homophobie, ainsi que « La Gauche pour le Mariage républicain » ou encore « Cosette & Gavroche » qui ne paraissent pas des piliers de cléricalisme. BHL a-t-il donc adopté l’attitude méprisante des zélotes de LGBT à l’égard de leurs contradicteurs ? À court d’arguments, sort-il l’artillerie lourde de l’injure ? Veut-il s’excuser ou se dédouaner lui-même d’une suspicion d’homophobie ? Est-ce en excitant les protagonistes qu’il entend aider le législateur à conduire sereinement le nécessaire débat ?
Un tel comportement n’est pas digne de l’homme public que tâche d’être Bernard-Henri Lévy. C’est pourquoi je l’invite personnellement, et au nom des communautés opposées au projet « mariage pour tous », à s’excuser et s’expliquer publiquement sur son dérapage de plume. Je ne doute pas que sa prise de parole fera progresser le débat dans le sens de la sérénité que partisans et adversaires de bonne foi souhaitons tous.
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